Eglise : Retrouver la Pierre d'Angle..

Publié le par MICHEL


Quitter l'Eglise ?

              se faire "débaptiser" ?

                        Appeler la démission du Pape ?



Ici et là on trouve de plus en plus de réactions déconcertées par ce que vit l'Eglise aujourd'hui..
Il y a longtemps que des chrétiens,
en "délicatesse" avec l'Eglise pour des raisons personnelles,
des incompréhensions, des ruptures ou des objections de fond plus radicales
se rassemblent et cheminent...

Laissant "en marge" les problèmes qui fâchent
et sur lesquels les crispations sont si faciles,
ces chrétiens tentent de se remettre dans la dynamique de la Foi de l'Eglise
telle qu'il la perçoivent aujourd'hui les appeler
à l'engagement, à une vie spirituelle et liturgique renouvelées ;
plus librement ils cherchent à comprendre l'Ecriture, la Tradition séculaire de l'Eglise
et à discerner les "signes des temps" dans la vie des hommes d'aujourd'hui.

Il y a bien sûr de très nombreuses "communautés" où se côtoient des personnes de grande qualité mais dont les structures et le mode de fonctionnement restent très marqués par l'"exemple" de l'Eglise Romaine...et quelquefois sa "tutelle"

Un peu à la façon d'Internet, il y a aussi des réseaux :
ce sont des groupes locaux qui créent avec d'autres groupes
comme un maillage d'échanges de Vie, d'énergie, d'expérience ;
ils sont dépourvus de structure hiérarchique,
restent très ouverts
et deviennent le lieu d'un renouveau incontestable
de l'expérience de "l'Eglise Christique"

Le réseau "NSAE" (Nous Sommes Aussi l'Eglise...mais Autrement) est l'une de ces toiles :
voir son site : L'Eglise autrement

Ce site vient de publier une lettre écrite par Jon Sobrino, théologien de la libération à l'adresse et en même temps en hommage à un frère "assassiné" dans laquelle il tente de retrouver les fondements de l'Eglise de Mgr Romero (lui aussi assassiné) : cette Eglise, secouée par un contexte politique difficile semble avoir perdu de sa détermination et se coulerait trop facilement dans une certaine facilité...
Cette lettre est un essai de "réveil"...

On trouvera ci dessous quelques extraits de cette lettre
pour le texte complet, voir : lettre à Ignacio Ellacuria




Lettre à Ignacio Ellacuria, par Jon Sobrino (Extraits)

Jon Sobrino, salvadorien d’origine espagnole, est un prêtre jésuite et l’un des théologiens de la libération les plus connus en Amérique latine.  Il a participé à la création de l’Université centraméricaine « José Simeón Cañas » (UCA) avec une équipe de jésuites dont fait partie le philosophe et théologien Ignacio Ellacuria. Ces derniers sont assassinés le 16 novembre 1989 par un groupe paramilitaire aux ordres du gouvernement. Jon Sobrino, alors en voyage à l’étranger, échappe au massacre. Cette lettre à Ignacio Ellacuria est une manière de prolonger un dialogue interrompu il y a vingt ans.

*

31 octobre 2008.

Cher Ellacu,

Je me suis souvent demandé quelle Église vous nous avez laissée et où nous en sommes aujourd’hui. Peut-être suis-je aveuglé par l’affection, mais je crois que cette Église, celle de Mgr Romero, était une Église salvadorienne, populaire, de pauvres et de martyrs. Et c’était une Église chrétienne, peuple de Dieu, souvenir vivant de Jésus et porteuse de son Esprit. Histoire et transcendance marchaient la main dans la main.

…...............

L’important c’est de « cheminer » comme Dieu le demande. Et pour cela, je veux rappeler maintenant quelques « principes » dont nous nous sommes souvent entretenus. Ils nous avaient paru alors fondamentaux pour élaborer une théologie de l’Église, et je pense qu’ils le sont encore. Je vais me concentrer sur trois [d'entre eux].

1. La centralité du royaume de Dieu

C’est le changement copernicien qu’il nous revient de vivre. Au centre se trouve le royaume de Dieu. J’avais écrit que « Jésus ne s’est pas prêché lui-même, ni même Dieu seulement, mais le royaume de Dieu ». Toi, tu y a beaucoup réfléchi et dans un congrès sur les trois religions d’Abraham tu en as fait une formulation catégorique : « Cela même que Jésus est venu annoncer et réaliser, c’est-à-dire le royaume de Dieu, c’est ce qui doit constituer l’objectif unificateur de toute la théologie chrétienne… La plus grande réalisation possible du royaume de Dieu dans l’histoire, c’est ce que doivent poursuivre les véritables disciples de Jésus. Pour Jésus, ce royaume de Dieu est « un monde dans lequel règne la paix avec la justice et la solidarité universelle »,

Partant du royaume, l’Église sait quel est le but final. C’est à dire « Dieu » et « les pauvres », dit d’une manière lapidaire. « Le royaume appartient seulement aux pauvres »

« Tout est relatif sauf Dieu et la faim ». La conséquence en est que l’Église doit être au service du royaume de Dieu et du Dieu du royaume, dépassant la tentation récurrente de se situer elle-même au centre.

Le royaume propulse l’Église dans l’histoire. Elle doit s’y incarner pour permettre à la grâce de naître : vérité, compassion, fermeté, libération, et pour éradiquer le péché : mensonge, injustice, oppression, surmontant la tentation des spiritualismes et de l’abandon de ce qui est historique. Elle doit le faire avec solidarité, en faisant siennes les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses de tous, surtout des pauvres et de tous ceux qui souffrent. Et elle doit le faire avec sérieux. Si on ne prend pas au sérieux le royaume, le péché se banalise et le salut devient éthéré.

En second lieu, en relation et au service du royaume, on comprend mieux qui est Jésus de Nazareth et ce que doit faire l’Église à sa suite : faire toujours le bien, annoncer la bonne nouvelle aux pauvres et rendre leur dignité aux méprisés, réconforter les faibles et soigner les malades ; dire toujours la vérité, celle qui vient de Dieu, pour consoler les opprimés et apostropher les oppresseurs ; parler avec autorité sans dogmatisme, enseigner avec clarté sans endoctrinement, exiger avec radicalité sans soumission ; résister jusqu’au bout, avec des hauts et des bas faits de peur et d’espérance. Et chez Jésus de Nazareth, ce qui me frappe toujours plus c’est à quel point il respectait et valorisait la liberté et la raison des êtres humains.

Enfin avec Jésus l’Église peut mieux comprendre la réalité et le destin des peuples crucifiés. Fait prisonnier de nuit par traitrise, accusé faussement, insulté, torturé et abandonné, il est mort sur une croix ni par erreur ni par hasard - et il ne faut pas oublier l’immense délicatesse qu’il a eu en prenant congé de ses amis avec un dîner. Tout cela pour s’introduire, librement, dans le conflit fondamental de l’histoire : en faveur des opprimés et contre les oppresseurs.


2. Église « maternelle » plutôt que « chargée d’un magistère »

L'Eglise est avant tout mère, accoucheuse de vie. Son rôle, c’est de générer d’une manière visible et palpable la bonté, l’amour, la miséricorde, la fraternité, la justice, la réconciliation, la solidarité. C’est de favoriser des structures qui, par leur nature, donnent la vie au plus grand nombre et de s’affronter à celles qui l’entravent ou la suppriment. Aujourd’hui nous insistons sur le « je prends soin » qui est quelque chose de si maternel, et qui est aussi le propre de la nature. Et sur la tendresse.

Actuellement un avertissement est nécessaire : que pour être mère, l’Église n’infantilise pas ses enfants, ne pense pour eux, ne les surprotège pas et ne décide pas pour eux de sorte qu’ils n’arrivent jamais à être des adultes dans l’Église. Ces deux dangers existent clairement dans beaucoup de pastorales et de liturgies, mais on les tolère, car tout est bon pour ne pas retomber dans les communautés de base et les théologies de la libération.

L’Église doit aussi enseigner. Comment n’allais-tu pas valoriser cela, toi Ellacu, convaincu de l’importance du savoir et du savoir communiquer ? Mais encore un avertissement : que l’Église ne fasse pas de l’orthodoxie ce qui est central, ni ne l’utilise comme un moyen d’endoctrinement. Et ce qui est plus dangereux, qu’elle ne se considère pas propriétaire de la vérité. Quand cela arrive, l’Église est définie, une fois de plus, à partir du pouvoir. Si par contre elle est celle qui introduit aux mystères sans rien imposer et en enseignant par l’exemple et pas seulement en paroles, alors elle crée aussi la vie par son magistère.


3. L’Église des pauvres

La véritable Église « est » une Église des pauvres, pas seulement « pour » eux. 

Et tu as théorisé ce qu’est cette Église. C’est une Église « où les pauvres sont le principal sujet et son principe de structuration interne ». Avec cela, on n’opère pas une « réduction » mais, au contraire, une « concrétion » de tout ce qui est ecclésial à partir des pauvres. Tu as écrit que dans sa mission ad extra, l’Église se consacre à eux et surtout donne sa vie pour eux alors que cette dernière réflexion n’est pas du tout habituelle en d’autres lieux. Et ad intra tu as insisté sur le fait qu’elle est basée sur la réalité, c’est-à-dire sur les pauvres. Et de là provient une autre de tes formulations, lapidaire : « le plus important des communautés ecclésiales de base est qu’elles sont de base ». C’est à dire qu’elles sont des communautés de pauvres.

Et cette Église est la plus vraie, si on me permet de parler ainsi, pour une raison théologale à laquelle on ne donne pas toujours non plus l’importance qui lui est due. Tu as écrit : « l’union de Dieu avec les hommes telle qu’elle se réalise en Jésus-Christ est historiquement une union d’un Dieu qui dans sa version première se donne totalement au monde des pauvres ». Il faut bien l’expliquer, mais je crois que tu veux dire que l’Église sera une véritable présence de Dieu si elle est faite de ce que Dieu a choisi pour se rendre, Lui, présent parmi nous. Rien ne peut diluer la centralité de l’« Église des pauvres ».

« l’Église des pauvres se construit dans le nouveau ciel dont on a besoin pour dépasser la civilisation de la richesse et construire la civilisation de la pauvreté, nouvelle terre où habitera, comme dans un foyer accueillant et non dégradé, l’homme nouveau ». Église des pauvres et civilisation de la pauvreté ont été ton utopie, que tu as formulée à partir de la foi et de l’histoire. Ellacu, ces deux choses ont été oubliées et il est urgent d’y revenir. Mais maintenant, même brièvement, je veux mentionner deux informations accablantes au sujet des pauvres et des riches.

__________________


On vient de nous dire qu’aujourd’hui 923 millions d’êtres humains souffrent de la faim et de dénutrition dans le monde entier. Ils sont 75 millions de plus que l’année dernière, bien que le monde soit plus riche que jamais et que les récoltes de 2007 aient battu des records. ….
Et à cette tragédie se joint ce que José Saramago appelle « crime (financier) contre l’humanité » : le cataclysme financier, produit de l’égoïsme avec une impunité totale. Ce sont les pauvres qui le payent.

Et une dernière chose. Jésus nous a dit que le royaume de Dieu appartient à ceux qui sont comme des enfants, et qu’il ne faut pas suivre l’exemple de ceux qui gouvernent ce monde, les grands. Dans l’Église il faut aussi être petits et serviteurs, mais cela est toujours un problème majeur. Pour le dire simplement, l’Église a du mal à ne plus être en haut et elle s’accroche toujours à sa dimension hiérarchique. C’est ce que disent nos amis jésuites de Christianisme et Justice à Barcelone. Ils viennent de publier un cahier sur l’état de l’Église, et rappelant Rosmini, ils mentionnent « les cinq nouvelles plaies de l’Église ». La première, la principale, est de ne pas être Église des pauvres et de les oublier, mais ils mentionnent aussi l’excès de hiérarchie, de pouvoir institutionnel et de centralisme romain. Et ils font remarquer que, devant les critiques, l’Église réagit par la défensive, « sans s’arrêter une minute pour se demander si elle a pu faire quelque chose de mal ». C’est là un sérieux problème ecclésial. Il rend difficile la solidarité à l’intérieur de l’Église : être « peuple de Dieu », tous avec la même dignité.


« Tout est relatif sauf Dieu et la faim »

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M
La pierre d'angle. pour moi la pierre d'angle reste encore et toujours l'Eglise même si en ce moment on est un peu désorienté (c'est le moins qu'on puisse dire). Mais nous sommes aussi le peuple de Dieu et nous ne vivons pas du droit canon ,mais de l'Evangile .Enfin nous essayons!! Quel que fois on aimerait avoir la foi du "charbonnier" c'est trés confortable... trop!!! Qu'est ce q'une foi qui ne se pose pas de questions? Mais pour ceux qui sont sur le seuil ou à l'extérieur avec qui nous parlons beaucoup, surtout en ce moment, c'est plutot mission impossible ! Hélas!  Bonne semaine sainte  Amitiés
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A
La véritable église cest "la nature"
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M
<br /> Oui la nature est pleine de cathédrales...!<br /> <br /> <br />