Vatican II : la "Révélation" pour que tous les hommes aient la Vie
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Concile : tableau synoptique
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Nous avons déjà relevé comment dès les premières lignes des textes principaux, le Concile se tournait délibérément vers l'ensemble du genre humain :
voir : Vatican II : Tourné vers tous les hommes
Aujourd'hui nous nous attardons sur la Constitution "Dei verbum" sur la Révélation divine pour essayer de mieux comprendre comment le Concile est arrivé à cette proposition "Universelle"
Quand on évoque les textes du Concile Vatican II,
on parle beaucoup des constitutions sur la Liturgie, sur l'Eglise
ou de la constitution « pastorale » « Gaudium et Spes »
mais beaucoup moins de la Constitution « Dei Verbum » sur la Révélation.
Pourtant ce texte a fait l'objet de débats difficiles au cours du Concile et est considéré par beaucoup comme
le texte théologiquement le plus ellaboré.
Amené en discussion lors de la première session sous le titre « Des sources de la Révélation »
il fut repoussé dans un premier temps
par une majorité des votants suffisante pour renvoyer le texte
mais insuffisante pour l'ajourner totalement.
Il a fallu une intervention personnelle du Pape (Jean XXIII) et la création d'une commission spéciale pour la révision du texte.
Fait très significatif, le Pape nomme à la tête de cette commission deux cardinaux au lieu d'un seul :
il s'agit du cardinal Ottaviani qui représente la ligne plutôt dure et théologique
mais aussi du cardinal Bea qui dirige le secrétariat pour l'Unité des Chrétiens :
c'était donc mettre de facto le travail de refonte du texte dans une perspective « oecuménique »
Déjà donc, première étape d'un décentrage : le texte proposé dans un premier temps à une réflexion théologique plutôt interne à l'Eglise (ad intra) s'ouvre à la réflexion partagée avec les autres chrétiens qui eux aussi se nourrissent de la Bible et ont une doctrine de la Révélation.
C'est un fait majeur dans le déroulement du Concile :
les deux tendances les plus opposées de l'Eglise allaient travailler de concert à une nouvelle version.
De fait l'optique du schéma primitif va radicalement changer :
Deux tendances se dégagent :
- l'une plus traditionnelle souligne l'aspect original de la Tradition
en tant qu'elle est distincte de l'Ecriture
et qui comporterait des aspects de la Révélation non contenus dans l'Ecriture.
On se situe ici dans la perspective de la « contre-réforme » et du refus du « sola scriptura » des protestants et on s'appuie davantage sur des arguments d'autorité qui seront la base des thèses de la théologie dogmatique..
- L'autre perspective, majoritaire dans la commission, élargit considérablement la réflexion :
La Foi ne se réduit pas comme on l'a trop enseigné depuis la contre réforme à une pure adhésion de l'intelligence : elle exige une adhésion de tout l'être humain ;
la Foi , objet de la Révélation,
est la réponse totale de l'homme à Dieu comme l'indique nettement la Bible ;
elle exige un engagement qui concerne tout le peuple chrétien.
Toute la Révélation s'incarne dans un homme : le Christ ;
il est une « personne » et non un principe abstrait.
Jamais un Concile n'avait explicité aussi fortement cet aspect existentiel de la Foi.
L'Ecriture doit être considérée comme la norme de la Tradition :
cela ne signifie pas que la Tradition n'a aucun intérêt mais laisse entendre
qu'il n'y a rien dans la Tradition qui ne se trouve au moins implicitement dans l'Ecriture.
On voit que se dégagent à partir de la reflexion sur la Révélation deux conceptions de la Théologie
-
celle qui insiste sur les énoncés de la Foi, les formules, les normes, les notions claires qui satisfassent l'intelligence
-
celle qui s'appuie sur le sens mystérieux des réalités révélées, sur le fait qu'elles débordent toute formule et qu'elles sont faites pour éclairer la vie plutôt que pour le confort de l'intellect
Cette seconde conception de la Théologie remise en honneur par le Concile est foncièrement scripturale, c'est un retour au sources et la recherche d'un contact étroit avec la Bible.
« La Foi ne se limite pas aux énoncés, bien que ceux-ci soient utiles dans leur ordre, mais aux réalités qu'ils expriment sans les épuiser. » (d'après Saint Thomas)
Avec cette discussion et le vote qui s'en suivra,
Vatican II a fait faire un pas important à la théologie officielle de l'Eglise :
il l'a débarrassée de ces complexes liés à la Contre-réforme
pour l'inviter à approfondir le donné de la Foi,
et à le rendre plus accueillant pour tous les hommes de notre temps (« le monde entier »).
Voilà pourquoi dès les premières lignes de la Constitution, le Concile souligne :
"[Le Concile] se propose de présenter la doctrine authentique
sur la révélation divine et sa transmission,
pour que,
grâce à cette proclamation du salut,
le monde entier
croie en écoutant,
espère en croyant,
aime en espérant"
C'est le second « décentrage » après l'ouverture vers les autres chrétiens :
la Révélation s'adresse à tous les hommes
Il nous faut écouter plus sérieusement le Christ nous dire
« Je suis la Voie, la Vérité, et la Vie »
le premier et le troisième terme
pour se focaliser sur le second.
La Constitution sur la « Révélation » a été approuvée par le vote des Pères du Concile
le 30 Octobre 1965. (2081 oui 27 non 7 bulletins nuls)
Le Texte apparaît comme le texte théologique le plus important du Concile.
Sa rédaction à laquelle ont participé notamment le P. Congar, Mgr Philips et le Père Benoît, directeur de l'Ecole Biblique de Jérusalem a été particulièrement soignée.
« Voici un grand texte. Il est essentiel pour nos rapports avec l'orthodoxie avec laquelle il est susceptible de nous réconcilier.
J'estime que ce document marque à la fois le dépassement de la Contre-Réforme et de l'anti-modenisme. »
(Père Martelet)