La Vie est là, à nous de la faire vivre !

Publié le par MICHEL

Un matin chez les Psy...

Est ce une laveuse qui essore son linge sur la planche du lavoir, le bruit lancinant de la meule du moulin dans la force de l'eau...?
Non, ce sont les pantoufles de Monsieur Bernède sur le linoleum du couloir .
Les infirmiers ont fait le tour des chambres, aidé les plus handicapés à leur toilette, la salle de séjour commune voit se lever un brouillard de fumées diverses ; Monsieur Bernède entre et s'assoit : « j'ai bien dormi tout va bien », lance t il à la cantonade !
Sur les fauteuils en simili autour de la table encore pleine des mégots de la veille, les plus vaillants ou les plus insomniaques sont déjà là.


Inès doit bien approcher de la trentaine et espère bien trouver pour bientôt un appartement en ville si du moins elle échappe à la vigilance des infirmiers...longtemps au « travail » sur les trottoirs de la rue Saint Denis, elle a rencontré la drogue : ici c'est plus dur, mais grâce à ceux qui peuvent sortir en ville, on peut encore trouver...mais attention de ne pas se faire prendre..sinon c'est le Pyjama ..


Jean Claude de décolère plus contre le pyjama ; pour la nième fois, il s'est retrouvé dans un fossé au volant de sa voiture..Mais le sang bien chargé : c'est spontanément qu'il a appelé ici et qu'il ira suivre une cure de désintoxication pour essayer d'en sortir..Mais à peine arrivé comme tous ceux qui viennent ici, il s'est trouvé privé de ses vêtements et mis en pyjama : dans quelques jours, s'il donne des signes de progrès il retrouvera ses vêtements et peut être le droit de sortir...


Sur le fauteuil du milieu, le plus proche du plus gros cendrier, Bernard a deja pris place et allumé l'une de ses premières cigarettes e la journée : il les allumera l'une à l'autre jusque ce soir sauf si la chapelle est le théâtre d'une cérémonie : enfant de choeur en chef, il n'en rate aucune...Vous l'avez peut être rencontré en ville alors qu'il allait acheter des cigarettes : le même et éternel costume gris couvert de tâches, la démarche assurée d'un pantin articulé par les neuroleptiques, le regard fixé sur le vide...et quelquefois détourné par un bruit...


Là, c'est la surprise : Sadi vient d'entrer dans la salle : il y a quelques jours il est arrivé en ambulance entouré d'infirmiers musclés : ils l'ont enfermé dans la cellule spéciale puis emmené pour subir paraît il, des électrochocs..et depuis peu il parle un peu et redevient sociable sans que l'on puisse savoir ni d'où il vient ni ce qui l'a conduit ici...Poignée de main musclée à tous puis il ne met face à la fenêtre comme pour essayer de discerner un monde qu'il ne connaît plus...


Tiens, voilà Danièle : une petite quarantaine, certainement femme cultivée et bonne mère de famille ! Elle aussi piaffe, en pyjama ! Ses enfants et son mari lui ont dit qu'elle venait ici pour une consultation..et elle est toujours là sans comprendre : elle est passionnée de scrable plus que de cigarette..
Elle regarde sa montre : dans quelques minutes en effet, on entendra du bout du couloir le bruit du chariot des médicaments : chacun a son gobelet et sa petite boîte avec les pilules magiques..pour l'heure elle attend mais comme tous avec impatience : c'est le premier contact de la journée avec les infirmiers et puis à travers les médicaments, contacts avec quoi et qui ??


Il se traîne depuis sa chambre: Bruno est grand, à peine 20 ans tenant juste sur ses jambes : un peu fragile, il se cogne à tous les coins de porte : ce n'est pas grave c'est simplement « la chine »..Oui il se cogne à la chine mais il est protégé car les américains lui ont mis une puce dans le cerveau et donc à chaque choc il communique des secrets chinois aux américains qui viendront le délivrer d'ici en récompense des services rendus..Mais ici il a un ennemi : c'est Matthieu


Matthieu ne peut supporter Bruno : allez donc savoir pourquoi : l'autre soir, il a fallu les séparer car les coups devenaient de plus en plus violent...
Un jour, c'est ainsi..un frère a violé sa soeur et de cette « union » entre frère et soeur est né Matthieu : c'est un brave garçon mais toujours sous pression capable du pire en un instant..et qui sait, du meilleur aussi ...
Matthieu va bientôt partir d'ici pour un centre en pleine campagne : il voudrait pouvoir lire et apprendre quelque chose mais il n'a aucune constance dans ce qu'il fait : il est traversé par des pulsions d'agressivité que seuls des traitements de choc jugulent en même temps qu'ils l'anéantissent..


Le Chariot se fait entendre et chacun sort de la pièces dans le vestibule à la rencontre de sa ration : les infirmiers appellent et chacun reçoit la potion « salutaire » programmée et dosée avec précision...
La journée peut commencer : les portes de la salle à manger s'ouvrent :
Monsieur Bernède a pris son gobelet de médicaments : « j'ai pris mes médicaments, maintenant je vais pouvoir manger ma confiture : tout va bien » et derrière lui, tous suivent et retrouvent dans la salle à manger les quelques retardataires.


Il y a facilement Roger habitué des séjours ici depuis qu'il assassiné sa voisine : « c'était une pauvresse » comme il dit gentiment..


Il y a aussi Christine.
Christine est noire comme de l'ébène, maigre comme ce n'est pas possible : son mari est mort il y a six mois : elle a un cancer de l'estomac sans doute à cause des litres et litres de Whisky partagés avec lui ; sa fille lui a été enlevée et confiée à la DASS : si elle va un peu mieux elle ira suivre une cure de désintoxication puis des cours pour apprendre à travailler..
Christine parcourt les tables, regarde si chacun a ce qu'il lui faut, trouve çi et là quelques mots de réconfort..


Ce jour là elle dit :

« La Vie est là, à nous de la faire vivre »

Publié dans Parole de Pauvres

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