Chant Grégorien (1)

Publié le par MICHEL

Simone Veil (La Pesanteur et la Grâce) écrivait : "le chant Grégorien témoigne autant que la mort d'un martyr !" Qui a pu rester indifférent à cette musique affinée et colorée par la répétition pluri séculaire des pièces liturgiques accompagnant et exprimant la prière chrétienne ; dans des lieux aux confins du ciel et de la terre comme au Mont St Michel ou Solesmes le chant Grégorien continue d'émerveiller et de pousser à la contemplation...
Tout jeune, élève d'un alumnat bénédictin, chaque jour de l'année qu'a duré le cycle de mes études, au milieu des moines et avec mes camarades de classe, j'ai été baigné dans cette musique entendue puis écoutée mais aussi pratiquée : j'avais à peine dix ans quand seul au milieu du choeur des moines j'ai chanté la première lamentation de Jérémie au premier nocturne de l'office des ténèbres du Jeudi Saint.
J'apprenais avec une vrai passion les hymnes que nous chantions, nous les enfants, en alternance avec les moines, les versets de graduels...
J'ai encore dans l'oreille et il m'arrive de les chanter quand je suis seul en voiture le puissant offertoire du 2° ou 3° Dimanche après l'Epiphanie "Jubilate Deo" lieu d'un crescendo fabuleux qui emportait avec lui les choristes et tout le choeur ; les introïts de l'avent et du carême donnaient si bien la tonalité du temps liturgique en début de l'office : le Gaudete et le Laetare, trêves de joie au milieu de l'avent et du carême quand pour un dimanche les ornements des Prêtres viraient du violet au rose ..
Après la fin des offices et dans ce silence du monastère tellement plein de Présence, les murs resonnaient  longtemps des mélodies dont au fil des jours ils semblaient s'impregner..
Tous les soirs, dans la chapelle plongée dans la nuit car nous savions tous les psaumes et hymnes par coeur le "Te lucis ante terminum" de complies puis l'hymne marial, (j'avais un grand faible pour celui du carême (ave regina coelorum) sous sa forme simple comme sous sa forme festive, nous préparaient à un sommeil paisible et réparateur..même si les paillasses étaient un peu dures !
A Noël et à Pâques nous restions au monastère et ne partions en vacances qu'après les Vêpres : à la fin du Salut du Saint Sacrement, il restait une petite antienne pour clore la fête que nous chantions evidemment sur le rythme endiablé du sentiment d'être déjà en vacances :"Ecce nomen domini Emmanuel" à Noël, l'extraordianaire "Salve festa dies" de Pâques dont nous atteignons sans soucis les aigûs des couplets ... devant les moines souriants et qui eux, resteraient là...!
Que disait tous ces beaux textes portés par leurs mélodies ? C'était du latin, du latin pas très facile il est vrai pour nous qui n'avions que quelques rudiments ; les textes écrits dans des genres très poétiques faisaient références à des faits, des evenements, des personnes qui nous restaient encore étrangers...
Plus que le sens littéral des mots, c'est l'ambiance, la qualité de l'esthétique, la façon dont nos maîtres nous poussaient au perfectionnisme dans le chant, la véritable jouissance qui était la nôtre de participer avec autant d'engagement à la beauté de la Liturgie...Tout cela nous situait dans un au-delà des mots plus riche sans doute que leur signification.
Oui, comme la beauté des cathédrales et des petites églises Romane, comme la slendeur des icônes orientales ou la richesse des fresques de Giotto et des autres, l'esthetique, le beau nous transportent incontestablement au delà de nous-même dans le grand champ du Tout-Autre et de l'Altérité...
Pourtant, hier, j'ai lu le texte, certainement remarquable à certains égards, de l'exhortation de Benoît XVI sur l'Eucharistie ; j'y ai lu ses recommandations pour un retour au latin et au chant Grégorien et entre les lignes son agacement pour les musiques pratiquées dans la liturgie depuis le Concile...Alors j'enrage !!
Ce soir il est tard, je continuerai la saga du "Grégorien" telle que je l'ai vécue dans les prochain jours et j'essaierai de vous dire pourquoi "j'enrage"  !

Publié dans Liturgie Musique

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